Extrait d'articles parus dans la presse
Les nécessaires et les nécessiteux.
Lorsqu’on a appris que le pointage en Belgique était désormais de l’ histoire ancienne, on a applaudi. C’est vrai qu’il y avait quelque chose de de dégradant dans ces files de gens allant faire tamponner leur manque de travail. Et puis, on a entendu le témoignage de ces chômeurs qui se demandent ce qu’ils vont bien pouvoir faire, sans file. Et à qui et quand, désormais, ils vont bien pouvoir parler. Car dans la file d’attente, certains chômeurs voyaient moins la file que l’attente : un peu de temps à passer avec quelqu’un, quelque chose à partager, peut-êre un peu de chaleur humaine.
Cela m’a fait penser à ce beau film de Michel Gourdin, vu sur la Deux, dimanche dernier. Ça s’appelait “Solidarité Mon cul” : l’histoire, à Seraing, de gens qui manquent tous de quelque chose, d’argent, d’emploi ou d’un toit et qui décident de mettre ensemble tout ce qui leur manque pour créer une association afin d’aider les autres pauvres. Des pauvres qui aident des pauvres ?
Hé oui, cordonnier est mal chaussé mais au moins, il connaît ses souliers. Leur quartier s’appelle le Molinay. Eux, c’est Guy, Martial, Christine ou Renée. Ils récoltent des vêtements, ils font des fêtes de quartier, ils accueillent des étrangers, ils essaient de faire du social, ils se demandent même s’ils ne feraient pas du logement social. Vous imaginez, du logement social en Wallonie, fait par des gens pour des gens, où il ne faudrait même pas même parler la langue du cru pour être admis : ce serait notre monde à l’envers.
Aussi renversant que ces gens qui ont préféré être nécessaires plutôt que nécessiteux. Et qui se demandent parfois où a bien pu passer le service public pour qu’ils doivent le remplacer par un service privé au public. Les pouvoirs publics, on les voit dans ce film. Par exemple, lorsque le Prince Laurent procède à une remise de diplômes. Ceux du Molinay y sont. Reçoivent, embrassent, sont embrassés. Embarrassés aussi. Parce qu’enfin, où est-ce qu’on peut bien accrocher un diplôme quand on est sans abri ?
Quelques semaines après le tournage du film, Martial, le sdf, fut retrouvé mort. L’histoire ne dit pas s’il s’était endormi dans son diplôme.